Le Château de Joux, un voyage à travers l’histoire et la mémoire

L’année dernière, lors de nos vacances en Alsace, nous avons fait un petit détour par la Franche-Comté pour rendre hommage à une figure emblématique de la révolution haïtienne, Toussaint Louverture. La visite de sa cellule, en compagnie de nos filles, fut une expérience particulièrement émouvante.

Le Château de Joux, un lieu de mémoire

Niché au sommet d’un éperon rocheux, ce Château-Fort est un site chargé d’histoire qui domine fièrement la région de Franche-Comté. Exemple remarquable d’architecture militaire, il a servi de prison d’État du 18ème au 19ème siècle « pour enfermer toute personne menaçant l’ordre du public et la sûreté de l’État. Des prisonniers célèbres pour leur combat pour la liberté y ont été détenus tels que Mirabeau ou Toussaint Louverture. »

Le Château de Joux est aujourd’hui un lieu symbolique non seulement pour les Haïtiens mais également pour celles et ceux qui souhaitent comprendre l’histoire des luttes pour l’égalité et l’émancipation des peuples.

Qui était Toussaint Louverture ?

Surnommé le « Spartacus noir », François Dominique Toussaint, né esclave en 1743 dans la colonie de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) sur l’habitation Bréda, est une figure incontournable de la révolution haïtienne et des luttes abolitionnistes.

En 1791, il rejoint l’insurrection des esclaves déclenchée à la suite de la cérémonie de Bois-Caïman. En 1793, alors que la France est en guerre contre l’Espagne, les Espagnols promettent la liberté aux insurgés qui veulent combattre pour eux. Toussaint Louverture est alors nommé lieutenant général.

En 1794, après le vote par l’Assemblée de la Convention du décret d’abolition de l’esclavage, quelque mois après la proclamation de la liberté générale à Saint-Domingue, Toussaint rejoint le camp français avec ses 4000 soldats. Il est nommé lieutenant-gouverneur de Saint-Domingue en 1796 puis commandant en chef de l’armée en 1797.  

Toussaint meurt emprisonné au Fort de Joux

En 1801, devenu général de l’armée française et gouverneur de Saint-Domingue, il promulgue une constitution pour affirmer l’autonomie de la colonie et s’auto-proclame gouverneur à vie. Cette décision va provoquer la colère du consul Napoléon Bonaparte qui envoie 86 vaisseaux commandés par son beau-frère, le général Leclerc, pour reprendre le pouvoir sur l’île et rétablir l’esclavage.

Après plusieurs mois de résistance, Toussaint dépose les armes en mai 1802. Un mois plus tard, le 7 juin 1802, il est trahi par Leclerc qui l’arrête pour haute trahison et rébellion.  Il est déporté vers la France.

«En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la Liberté des Noirs, il repoussera par les racines parce qu’elles sont profondes et nombreuses »

Toussaint Louverture, Saint-Domingue le 12 juin 1802

Séparé de sa famille, il est emprisonné, sans jugement, au Fort de Joux dans une cellule sombre, froide et humide. Ses nombreuses lettres à Bonaparte resteront toutes sans réponse. Il ne tarde pas à tomber malade et meurt, dans sa cellule, le 7 avril 1803, quelques mois avant la proclamation de l’indépendance d’Haïti.

La cellule de Toussaint Louverture est située dans l’aile de Château réservée aux prisonniers politiques mis à l’isolement.

« Ce qui est à moi aussi : une petite cellule dans le Jura,

une petite cellule, la neige la double de barreaux blancs

 la neige est un geôlier blanc qui monte la garde devant une prison

Ce qui est à moi

c’est un homme seul emprissonné de blanc

 c’est un homme seul qui défie les cris blancs de la mort blanche

(TOUSSAINT, TOUSSAINT LOUVERTURE)

c’est un homme seul qui fascine l’épervier blanc de la mort blanche

c’est un homme seul dans la mer inféconde de sable blanc

c’est un moricaud vieux dressé contre les eaux du ciel

La mort décrit un cercle brillant au-dessus de cet homme

 la mort étoile doucement au-dessus de sa tête

 la mort souffle, folle, dans la cannaie mûre de ses bras

la mort galope dans la prison comme un cheval blanc

la mort luit dans l’ombre comme des yeux de chat

 la mort hoquette comme l’eau sous les Cayes

la mort est un oiseau blessé la mort décroît

 la mort vacille la mort est un patyura ombrageux

la mort expire dans une blanche mare de silence. »

Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal

Notre visite du Château en vidéo:

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